[Interview] Sohei NIIKAWA, le roi du Netherworld, Dood !

Si le Tactical-RPG a connu son heure de gloire à la fin des années 90, l’éditeur de jeux vidéo Nippon Ichi Software maintient le genre sur le devant de la scène en assumant l’aspect old-school de ses titres et en triturant plus que nulle part ailleurs les mécaniques de jeux. Mais c’est aussi grâce à son ton que Disgaea a su se créer une fanbase solide durant toutes ces années. Un humour et un univers rocambolesques que nous devons à Sohei NIIKAWA, aujourd’hui producteur de NIS, mais avant tout scénariste et créateur originel de la saga. Nous avons pu l’interviewer durant le salon Japan Expo 2018, dont voici le compte-rendu.

Nippon Ichi Software logo

L’univers NIIKAWA

Pouvez-vous nous raconter la naissance du projet Disgaea. Quels étaient vos objectifs scénaristiques ?

C’était il y a 15 ans, lorsque Nippon Ichi Software était encore une toute petite entreprise d’une dizaine de personnes. Nous nous sommes concertés pour savoir quel genre de jeux pouvait se vendre à l’époque. Pour trouver une bonne idée, nous avons réuni toutes nos idées les plus folles, on les a mises dans un sac, secouées et cela a donné Disgaea. Pour ma part, je ne parviens pas à écrire de scénario sérieux. Les autres grosses entreprises de RPG ne sortent que des jeux sérieux, et c’est ce que je voulais éviter : faire des jeux similaires aux RPG des grandes sociétés. C’est ce que j’ai gardé en tête pour le scénario de Disgaea : faire quelque chose de différent.

L’univers de Disgaea a donné naissance à une foule de jeux. Comment faire pour intégrer tous ces autres jeux à l’univers du premier sans se répéter ?

Pour éviter toute répétition dans les différentes séquelles, je choisis un thème différent à chaque jeu. Par exemple, avec Disgaea 3 c’est plutôt l’académie. Pour le 4, c’est la politique, avec les élections, etc. C’est comme ça que j’essaye de démarquer chaque numéro de la série.

Vous parlez de votre impossibilité à faire des scénarios sérieux, mais d’où vous vient ce goût pour l’absurde ? Quelles sont vos références comiques et en cinéma ?

Je n’ai pas vraiment un mentor du point de vue comique, mais lorsque j’étais jeune je me rappelle avoir lu les œuvres d’Akira TORIYAMA, Dragon Ball et surtout Dr Slump. Ce dernier est certainement un des mangas qui m’a le plus influencé dans la rédaction de mes scénarios. Le point qui se ressent le plus dans la rédaction de mes histoires, c’est que même les méchants ne sont pas détestables, ils ont toujours un petit côté attachant.

On voit souvent dans Dr Slump des petits « cacas » roses qui se baladent, pourriez-vous aller jusque là dans vos scénarios ou est-ce que vous vous mettez une limite ?

Ça ne m’est simplement pas venu à l’esprit (rires), mais en faisant la même chose cela serait simplement une copie, chose que je préfère éviter. Mais vous savez, ça ne m’a pas empêché de mettre quelques petites références « osées ». Par exemple, dans Disgaea 1, il existe une arme pour le joueur qui est tout simplement un sexe de cheval. Excusez-moi pour l’indélicatesse de mes propos devant vos lectrices (rires).

Pensez-vous continuer à puiser dans l’univers du Netherworld encore longtemps ?

J’adore le thème des démons et du sous-monde, alors non seulement j’aimerais continuer à utiliser ces thèmes, mais pas uniquement dans la série Disgaea, dans d’autres jeux aussi.

Peut-être serait-il intéressant de faire un jeu du côté de Celestia ? C’est un monde souvent évoqué, mais jamais complètement exploré dans un Disgaea.

En fait, ce monde a déjà été exploité dans un jeu sorti au Japon qui s’appelle Kamisama to Unmei Kakumei no Paradox (The Guided Fate Paradox).

 

Ce n’est pas la taille des pixels qui compte

Les jeux NIS ont souvent fait preuve d’audace dans leur gameplay et leur système de jeux. Est-ce que proposer des jeux aux graphismes old-school est une manière de pouvoir se concentrer sur les fonctionnalités du jeu ?

Chez Nippon Ichi Software, nous avons toujours considéré la 2D comme un moyen d’expression extrêmement important, même avec l’arrivée de la 3D dans le jeu vidéo. Je ne pense pas que ce soit une obligation d’utiliser de la 3D pour créer un nouveau jeu, et même si nous devions en utiliser dans le futur, ce serait probablement assez proche de la 2D. Je compte vraiment continuer à utiliser cet aspect.
J’ai l’intention de continuer à produire des jeux, des Disgaea, et je me demande très franchement si faire un Disgaea en 3D, avec des personnages très réalistes trouverait des acheteurs. Pour moi la réponse est non.

Digaea 1 Complete screenshot

Le Tactical-RPG japonais est un style de jeu très populaire, mais qui pourrait désormais difficilement rivaliser avec des RPG triples A comme Final Fantasy XV en terme d’audience. Comment voyez-vous le futur du Tactical-RPG et du RPG en général ?

Je pense que les points techniques dans un jeu sont évidemment très importants, mais ce n’est pas le plus important. Ce qui compte vraiment pour un jeu, c’est de parvenir à donner aux utilisateurs une expérience de jeu qui dépasse la technique (graphismes poussés, puissance logicielle). Dans les domaines de la musique ou du roman par exemple, il n’y a pas eu d’avancée technique aussi forte que dans l’industrie du jeu vidéo depuis longtemps, mais ce n’est pas pour autant que le secteur a décliné. Les jeux Nippon Ichi Software sont un peu dans cet esprit, je ne m’attache pas à forcément aller vers une révolution technique, mais plutôt vers le contenu en lui-même. Le fond prime sur la forme, et le contenu du jeu doit atteindre le cœur de l’utilisateur, plutôt que d’essayer de le bluffer avec des effets visuels.

Vous disiez tout à l’heure que pour trouver de nouvelles idées, vous faisiez des brainstormings où vous mélangiez toutes vos idées. Concrètement, comment se passe ce genre de réunions ? Qui participe ?

Dans l’entreprise, nous ne faisons pas tant de meetings que ça, car finalement chaque jeu se définit sur la décision d’une personne : celle qui regroupe les idées élaborées, et qui détermine si oui ou non cela va correspondre au jeu qu’il a en tête. La volonté de Nippon Ichi Software n’est pas de créer des jeux qui soient accessibles au maximum de personnes possible, au contraire, c’est vraiment pour s’attaquer à une fanbase hardcore, ce sont quasiment des jeux de niche. Plus on essaye de faire rentrer les idées d’un grand nombre de personnes et plus le jeu élaboré comme « pointu » s’éloignera du concept de s’adresser à un certain type de fans.

Quel public avez-vous en tête lorsque vous parlez de votre cœur de cible ?

Ma volonté première est de faire des jeux pour les fans qui sont prêts à économiser, presque à se priver de manger, pour acheter LE jeu qu’ils attendent depuis des mois. C’est vraiment pour ce genre de joueurs que j’ai envie de faire des jeux. Je fais moi-même partie de cette communauté, et toutes les personnes au sein de mon entreprise aussi, donc nous comprenons les sentiments que peuvent avoir les fans hardcore.

Nous sommes un peu pareils à la rédaction.

Alors vous êtes mes camarades en quelque sorte (rires). Je suis d’ailleurs très heureux de venir ici, à Japan Expo, pour rencontrer pour la première fois les fans français, des gens comme moi qui partagent la même passion. Cela me permet de garder la motivation pour poursuivre mon travail.

 

Le futur de Disgaea et des jeux Nippon Ichi Software

Phantom brave PS2

©2004 Nippon Ichi Software Inc

Avec l’arrivée de Disgaea 1 sur PS4, peut-on espérer voir une compilation HD de Phantom Brave, La Pucelle: Tactics ou encore Makai Kingdom ?

C’est une idée que j’ai en tête depuis longtemps, mais compiler un jeu de niche, avec un jeu de niche, avec un jeu de niche… est-ce qu’il y aurait tant d’acheteurs que ça qui voudraient une telle compilation ? Peut-être que la concrétisation de ce projet est plus compliquée que ce qu’elle n’y parait. Mais c’est quelque chose qui me plairait.

Disgaea 1 a connu une suite directe avec Disgaea D2, est-il possible de s’attendre à d’autres suites directes pour les autres Disgaea ?

Oui ça serait possible, mais cela se ferait plutôt via un contenu additionnel téléchargeable.

La saga Disgaea est parfois sortie du genre T-RPG pour s’aventurer vers la plateforme en side-scrolling 2D avec Prinny: Can I Really Be the Hero? et Prinny 2: Dawn of Operation Panties, Dood!. Un jeu de combat avec les personnages de Disgaea pourrait être intéressant.

Oui, c’est une excellente idée. On pourrait totalement penser à sortir un jeu de combat collaboratif entre Disgaea et différents jeux. Nous ne nous limitons pas forcément au style Tactical-RPG, d’ailleurs Nippon Ichi Software America travaille en collaboration avec l’entreprise SNK (Fatal Fury, Metal Slug, The King of Fighters) pour sortir sur Nintendo Switch la compilation SNK 40th Anniversary Collection, ainsi que SNK HEROINES Tag Team Frenzy, avec d’anciennes héroïnes. C’est donc tout à fait envisageable.

Merci à vous pour le temps que vous nous avez accordé !

Sohei NIIKAWA Japan Expo

 

Nous vous proposerons prochainement un résumé des conférences Disgaea qui se sont tenues durant le salon. Vous pouvez en attendant vous tenir informés des actualités de Nippon Ichi Software sur leur page Facebook.

Sachez enfin que Labyrinth of Refrain: Coven of Dusk sortira le 21 septembre et que Disgaea 1 Complete sera disponible le 12 octobre prochain en France, tous deux sur Nintendo Switch™ et PlayStation®4. Le jeu proposera des voix en anglais ou japonais et des textes en français. Il commémore le 15ème anniversaire de la franchise Disgaea, en faisant renaître le premier opus de la saga, Disgaea: Hour of Darkness, sur consoles modernes. Le jeu sera doté de graphismes améliorés et proposera le gameplay classique de la saga originelle, connu et apprécié des fans.

Résumé : L’Overlord est mort. Le Sous-Monde est dans la tourmente. Il est temps d’entrer dans la bataille ! Le prince Laharl s’éveille pour reconquérir son trône avec l’aide de ses improbables alliés. Ensemble, ils se battront pour récupérer ce qui revient de droit au prince légitime du Sous-Monde. Avec sa vassale Etna, l’ange apprenti Flonne et toute une série de personnages hauts en couleur, Laharl devra se démener pour se frayer un chemin jusqu’au sommet. Menez votre escouade jusqu’au niveau 9999 et débloquez des capacités spéciales délirantes, des attaques d’équipe dévastatrices et des sorts infligeant des millions de points de dégâts dans ce remake déjanté d’un classique du RPG.

 

Nos remerciements à notre interprète Nicolas Pujol ainsi qu’au staff de Koch Media pour avoir permis cette interview.

Toutes les images, hors photos de l’interview, sont ©Nippon Ichi Software, Inc.

Olivier Benoit

Présent sur Journal du Japon depuis 2013, je suis un trentenaire depuis longtemps passionné par l'animation traditionnelle, les mangas et les J-RPG. J'écris dans ces différentes catégories, entretiens également la rubrique hentai, et gère le pôle gastronomie. J'essaie de faire découvrir au plus grand nombre les choses qui me passionnent. @oly_taka

1 réponse

  1. 19 novembre 2018

    […] compléter ces deux conférences, ne manquez pas notre entretien passionnant  avec  Sohei NIIKAWA, le roi du Netherworld […]

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