Que vaut la trilogie Godzilla sur Netflix ?

Tandis que les fans se déchirent déjà à propos du combat des titans de Godzilla vs Kong qui sortira l’année prochaine (le 11 mars, réalisé par Adam Wingard à qui l’on doit entre autres les adaptations américaines de Death Note qui font largement débat), le Roi des Monstres reviendra dès le mois prochain dans nos salles obscures. L’actualité autour de notre Kaijū favori est donc riche, et Journal du Japon a décidé d’en profiter pour revenir sur la série de films d’animation en 3 parties disponibles sur Netflix, sorties entre 2017 et 2019. Avec un résultat mitigé pour une trilogie à voir tout de même.

Pour éviter tout spoil, les éléments de l’histoire qui suivront ne sont pris qu’à partir du premier film afin de préserver les effets de surprise lors du visionnage des parties 2 et 3.

Adaptations Netflix Godzilla

Godzilla 1 : La planète des monstres, Godzilla 2 : La ville à l’aube du combat et Godzilla 3 : Le dévoreur de planètes ©Tōhō / Netflix

 

Une longue série mythique : innover sans dénaturer ?

À l’image de Totoro qui est devenu la mascotte du studio d’animation Ghibli, Godzilla incarne la société de production Tōhō : depuis la création du reptile géant en 1954, on compte plus de 30 films avec le Roi des monstres, dont voici la longue liste de films Godzilla à la qualité fluctuante, avec son lot de kitch et de navets ! Sans en refaire la rétrospective, revenons brièvement sur les opus les plus récents. Si la plupart des long métrages sont japonais, Hollywood a aussi réalisé quelques films, sans doute plus souvent pour le pire que pour le meilleur…

Godzilla du film de 1998

Godzilla dans le film de 1998 par le réalisateur Roland Emmerich

Le premier film américain réalisé par Roland Emmerich (Independence Day) en 1998 est un échec, le film étant jugé trop différent de l’original de 1954. Le scénariste Dean Devlin en donne les explications dans cet article de Écran large. Initialement prévu pour être une trilogie, le projet est annulé et la suite voit tout de même le jour sous la forme d’un dessin animé intitulé Godzilla, la série (diffusé par Canal J en France), mieux accueilli car plus proche du Godzilla japonais et destiné avant tout à un public « Jeunesse ». La trilogie de Netflix bien qu’affichée déconseillée aux moins de 13 ans sera à notre avis mieux appréciée par un public plus âgé et mature, à partir de 18-20 ans. L’animation en CGI (ou images de synthèse) choisie par Netflix (dans la lignée des Blame!, Knights of Sidonia, Ajin) a le mérite de faciliter la mise en scène : un « lézard géant » en action, cela peut vite se transformer en film où Godzilla perd toute crédibilité !

Affiche du film Godzilla (2014)

Affiche du film Godzilla (2014) de Gareth Edwards

Après cet échec retentissant outre-atlantique, le Japon veut redorer l’image de la série. S’ouvre alors la période Millenium (1999 – 2004) : Godzilla fait peau neuve et les fans ont droit à des histoires inédites sans lien entre elles pour la plupart. Si le nucléaire était présent dès les origines en 1954, les films des années 2000 dénoncent dorénavant non plus les bombardements atomiques mais le nucléaire civil, au potentiel dévastateur en cas de perte de contrôle, qui deviendra réalité lors de la terrible catastrophe de Fukushima en 2011. D’ailleurs, dans la version de 2014 de Gareth Edwards (disponible sur Netflix), l’accident de la centrale nucléaire, avec Joe Brody (joué par Bryan Cranston de Malcom et Breaking Bad) qui voit sa femme interprétée par Juliette Binoche mourir, est une scène particulièrement réussie.

Ce reboot américain fait mieux que celui de 1998 (pire aurait été compliqué !) mais est loin d’être parfait. Le scénario est assez faible, reproche que l’on peut faire à tous les films catastrophes néanmoins. Pour résumer, un blockbuster qui mise trop sur les effets spéciaux et les explosions, ou un pur produit hollywoodien qui se résume à vanter l’armement américain et qui manque au final de fond ! Le début est plein de promesses finalement non tenues et le film se transforme très vite en une succession de clichés et de facilités où, tout compte fait, les personnages se retrouvent peu développés ou de façon trop superficielle.

S’il ne fallait voir qu’un film de la franchise, il ne faudrait pas rater Shin Godzilla de Hideaki ANNO et Shinji HIGUCHI sorti en 2016 qui signe véritablement le renouveau de la saga (Shin signifiant nouveau). Retrouvez d’ailleurs la critique du film dans notre article Shin Godzilla – Japon, année zéro. Sans surprise, les Japonais appréhendent mieux le monstre sacré qu’est Godzilla pour l’archipel, l’un des intérêts cinématographiques étant que les Japonais réalisent bien plus qu’un simple film catastrophe avec des monstres : le spectateur plonge dans la société japonaise, compliquée à retranscrire pour les Américains.

Une image de destruction tirée du film Shin Godzilla qui pourrait rappeler les scènes de désolation à la suite d’une catastrophe naturelle (tsunami) mais dont la cause n’est pas la nature mais Godzilla, monstre né de l’action de l’humanité.

 

Une nouvelle trilogie dans l’esprit du Godzilla original, mais avec des lacunes

Cette première partie nous a permis de revenir sur les derniers films hollywoodiens qui n’étaient pas des réussites, alors quand on entend « production Netflix » (société américaine), les fans de Godzilla peuvent craindre le pire… On tient à les rassurer : pas de massacre en vue ! Les erreurs du passé ont été comprises : pas de gros monstre dans les rues de New-York en mode destruction qui donne juste un n-ième navet ! Gojira a été confié à une équipe japonaise, et la société américaine redonne sa confiance à Kōbun SHIZUNO à la direction, qui s’était d’ailleurs plutôt bien débrouillé pour les adaptations de Blame! et Knights of Sidonia déjà produites par Netflix.

L’exode dans l’espace et la reconquête de la Terre

Godzilla, avatar de la destruction

Godzilla, avatar de la destruction ©Tōhō / Netflix

Gen Urobuchi le scénariste (Fate/Zero, Madoka Magica, Psycho Pass…), montre dès le début du film au spectateur que la trilogie sera différente des autres Godzilla. Habituellement, un film Godzilla classique commence avec l’apparition des monstres ; puis le Japon, incapable de se défendre face à cette menace, demande l’intervention de l’armée américaine qui exécute une véritable démonstration de force en lançant missiles et bombes sur les monstres… La planètes des monstres, pour sa part, commence avec une séquence narrative où la voix-off nous explique que la guerre a été perdue. Des monstres sont apparus aux 4 coins du globe et détruisent tout sur leur passage. Godzilla apparaît et tue les monstres mais contrairement à la série animée (1998-2000), le reptile géant n’est pas du côté de l’humanité… Deux races extra-terrestres, les Exifs et les Bilusaludos, font aussi leur apparition et s’allient aux humains pour tuer la créature. Leurs tentatives échouent et les survivants réussissent à s’exiler dans l’espace à bord d’une arche spatiale à la recherche d’une exoplanète viable.

Cela rappelle Knights of Sidonia où l’humanité réfugiée à bord du Sidonia est elle-aussi à la recherche d’une nouvelle planète à coloniser après l’attaque de monstres (Gaunas). Si les Sidoniens se sont plutôt bien adaptés à leur vie à bord (clonage, modifications génétiques et photosynthèse), en 20 ans de vie sur leur vaisseau, les 3 races se retrouvent au pied du mur : les ressources (eau, nourriture, air) sont presque épuisées ; désespérés, nombreux se suicident… Grâce à une analyse des données de Godzilla récoltées avant qu’ils ne fuient dans l’hyperespace, un choix se présente : continuer de chercher une hypothétique planète dans le très peu de temps qui leur reste avant l’épuisement de leurs ressources ou bien retourner sur Terre et se battre contre la créature géante.

Haruo Sakaki expliquant son plan pour éradiquer Godzilla.

Haruo Sakaki expliquant son plan pour éradiquer Godzilla. ©Tōhō / Netflix

L’originalité et l’intérêt de cette trilogie réside donc grandement dans le choix de transposer Godzilla dans un univers de science-fiction. Malheureusement, les éléments de SF auraient mérité un meilleur traitement. L’univers manque cruellement de profondeur et d’un ancrage dans la réalité. Dans le genre, on trouve mieux et cela ne se limite pas à mettre des vaisseaux spatiaux et des écrans holographiques ! Pour de la vraie science-fiction, Godzilla fait pale figure face à des Gundams (Seed, 00…), Ghost in the Shell, Code Geass, Cowboy Bebop, Knights of Sidonia

De la science-fiction qui aurait mérité de la profondeur et plus de travail…

Godzilla, le nouveau roi du monde où la nature a repris ses droits

Godzilla, le nouveau roi du monde où la nature a repris ses droits ©Tōhō / Netflix

Si le voyage spatial n’a duré que 20 ans, sur Terre, 20 000 ans ont passé : Godzilla a grandi et l’environnement a bien changé. Notre planète bleue est devenue une immense forêt peuplée de créatures hostiles comme des reptiles volants ressemblant à Godzilla. Ce genre de monde perdu est normalement propice à créer toute une faune et une flore, comme James Cameron a su le faire avec son film Avatar. Même si son histoire est peu originale et rappelle celle de Pocahontas, après de nombreuses années de travail, la planète Pandora prend véritablement vie, avec ses habitants les Na’vis qui ne sont pas des coquilles vides, pour lesquels on invente une histoire et une culture, intégrés dans une faune et une flore variées. Tout cet univers, avec les couleurs et la musique créent l’immersion dans ce monde. Dans Godzilla en revanche, il n’y a malheureusement pas ce souci du détail. La trilogie, comme de nombreuses productions Netflix, manque d’âme et de profondeur du fait de sa production à la chaîne, du manque de temps accordé aux équipes pour réaliser des chef-d’œuvres. Si Knights of Sidonia est mieux réussi de ce point de vue par exemple, c’est grâce à l’excellent manga de Tsutomu NIHEI. Mais cette trilogie est une création originale, donc sans support solide sur lequel s’appuyer malheureusement.

Metphies (Exif), Haruo Sakaki (Terrien) et Mulu-elu Galu-gu (Bilusaludos)

Metphies (Exif), Haruo Sakaki (Terrien) et Mulu-elu Galu-gu (Bilusaludos)

Alors à défaut de créer un univers vraiment marquant, qu’en est-il des personnages ? Passons sur l’improbable venue, en même temps, de 2 espèces extra-terrestres humanoïdes. Les Exifs disposent de technologies avancées qui prédisent l’avenir grâce aux calculs de Gematron et vouent un culte à une mystérieuse divinité qui fera son apparition dans le troisième film… Quant à la deuxième race, les Bilusaludos, eux vouent un culte à la science et grâce à leur technologie ils ont réussi à mettre au point une arme destructrice, Mechagodzilla, construit avec du nanométal, un matériau révolutionnaire que l’on découvre dans le deuxième film. En proposant leurs services, Exifs et Bilusaludos espéraient  s’approprier la planète et exterminer l’humanité après avoir vaincu les monstres. Ils ont échoué et leur retour sur la planète bleue permettra d’en savoir un peu plus sur eux, notamment sur les raisons de leur venue sur Terre et comment ont disparu leurs mondes respectifs. Mais tout comme l’aspect science-fiction qui manque d’originalité, les personnages manquent malheureusement de personnalité et se retrouvent cantonnés à des rôles clichés. Ainsi l’humain Sakaki avec son histoire de vengeance et plein de bravoure est l’archétype du héros.

Godzilla ô roi de la destruction

Godzilla, ô roi de la destruction ! ©Tōhō / Netflix

Quand ces vies fugaces destinées à mourir oublient l’humilité et chantent les louanges de leur propre gloire, cela fait trembler les cieux, sépare la terre, jusqu’à connaître la colère divine. […] Ô roi de la destruction.

Cette citation que l’on doit à Metphies (Exif qui semble vouer un culte aux monstres et à leurs pouvoirs de destruction) à la fin du premier film lors de l’apparition de Godzilla illustre le défi climatique et le débat autour du progrès scientifique, du développement humain et de son impact sur la planète. La nature en opposition à l’homme de science… la morale a encore une fois un goût de déjà-vu… Mais n’est-ce pas un peu le reproche que l’on peut faire à tous les films de la saga ? Cette dernière faiblesse est imputable à tous les films de monstres en général. Il n’en reste pas moins l’attachement que l’on a pour Godzilla et King Kong, deux monstres du cinéma.

 

Pour résumer, cette trilogie signée Netflix n’est pas catastrophique mais aurait pu être beaucoup mieux travaillée. En effet, son principal intérêt est tout à la fois sa principale faiblesse : si le choix d’ajouter de la science-fiction à la saga Godzilla est une bonne idée, cet aspect n’est pas assez creusé, dans un genre particulièrement bien représenté où la concurrence est rude. Le roi des monstres est loin derrière des licences comme Gundam, Ghost in the Shell ou Cowboy Bebop par exemple. Pour les fans de SF qui disposent de l’abonnement Netflix, on recommandera plutôt Knights of Sidonia, série aussi produite par la firme américaine mais qui elle, possède un univers beaucoup plus original et détaillé grâce au manga d’origine de NIHEI. Toutefois, si la trilogie manque de profondeur et qu’elle est loin d’être un chef-d’œuvre de l’animation, il n’empêche que les plus curieux et les fans de Godzilla peuvent, s’ils n’en demandent pas trop, apprécier ces films. Pas extra-ordinaire mais passable, la trilogie apporte un petit vent de fraîcheur à cette saga vue et revue qui souffre de ses nombreux reboots.

David Maingot

Responsable Culture à JDJ et passionné de la culture et de l'histoire du Japon, je rédige des articles en lien avec ces thèmes principalement.

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