A la découverte de Kurashiki : la Venise de l’ère Edo

Loin des destinations habituelles de ceux qui découvrent le Japon pour la première fois, Kurashiki constitue pourtant un petit joyau très apprécié des initiés. Récemment pris pour cadre du long métrage d’animation Hirune Hime, cette ville côtière du sud de Honshu possède un riche bagage historique et sa situation privilégiée sur la mer intérieure, entre Osaka et Hiroshima, face à Shikoku, lui confère une réelle douceur de vivre… Que nous sommes allés constater par nous-même.

Le quartier du Bikan : voyage dans le temps

Lorsque l’on parle de Kurashiki avec des gens qui ont eu l’occasion de visiter la ville, le lieu le plus cité est le quartier historique de Bikan. Il est vrai que le Bikan a quelque chose de saisissant et donne le sentiment d’avoir fait un bond dans le temps, ou bien d’être projeté dans un décor de chambara. Ce n’est pas pour rien s’il a été le cadre de nombreux tournages de films, dont la trilogie Kenshin !

Le Bikan et son canal

Le Bikan et son canal

Le quartier historique commerçant et cossu, puisqu’il abrite de riches demeures de marchands construites à partir de l’ère Edo, est étonnamment bien conservé et on constate un vrai souci d’en préserver la spécificité architecturale. Ainsi, les lignes électriques y ont été enterrées, contrairement à l’image d’Épinal des villes japonaises modernes au ciel traversé d’une myriade de câbles. La promenade principale suit un long canal, qui servait autrefois à acheminer les marchandises (principalement le coton) dont Kurashiki faisait le commerce, et qui donne maintenant au quartier des airs de Venise japonaise. Les façades blanches striées de noir des anciens entrepôts dont regorge le quartier constituent une image classique du Japon de l’époque Edo.

Les familles de marchands locaux ayant connu une grande prospérité, de magnifiques résidences y ont été construites. Certaines sont accessibles aux visiteurs. Quelques-unes ont même été transformées en musées. Ces grandes familles ont laissé sur la ville une empreinte qui perdure encore. C’est le cas de la famille Ohara, dont on peut voir les deux magnifiques résidences dans le Bikan. Cette famille a en effet eu une influence déterminante dans le développement du quartier à la fin du 19e siècle, en construisant une grande filature moderne en brique rouge qui, en 1974 sera réhabilitée pour devenir Ivy Square, la place des vignes. C’est ainsi sous l’impulsion du patriarche de la famille et grâce au succès de la filature que le Bikan s’est ouvert à l’architecture et à l’art occidental au début du 20e siècle avec en particulier l’ouverture en 1930 du Musée Ohara, premier musée privé d’art occidental du Japon, et dont l’imposante façade de style grec ancien abrite entre autres des chefs d’œuvre de Monet, Gauguin, Degas ou encore Courbet.

Mais le Bikan n’est pas le seul endroit à voir à Kurashiki, et il ne faudrait pas manquer le quartier de Shimotsui, véritable village de pécheur, situé plus au sud.

Le quartier de Shimotsui : face à la mer

Le jardin de la résidence Nozaki

Le jardin de la résidence Nozaki

En descendant du Bikan vers le sud, juste au dessus du quartier de Shimotsui, se trouve la demeure de la famille Nozaki. Cette grande résidence d’époque, ouverte aux visiteurs, est dotée de 3 pavillons de thé, d’entrepôts du même style que ceux du Bikan, et surtout, d’un magnifique jardin couvert de mousse. En tendant l’oreille au dessus d’un tube de bambou, on peut écouter l’écho de l’eau s’écoulant goutte à goutte dans un vase enterré.

On trouve aussi au sein de la résidence le musée du sel, la famille Nozaki ayant fait fortune grâce au commerce de cette ressource spécifique à Kurashiki.

Le jardin de la résidence Nozaki

En effet, la ville doit sa prospérité aux polders, zones de terre fertiles gagnées sur la mer au 17e siècle. Cette terre chargée en sel ne permettait pas la culture du riz, mais se prêtait fort bien à celle du coton, le sel étant lui-même aussi récolté. Sel et coton ont ainsi constitué rapidement de précieuses ressources assurant l’essor commercial de Kurashiki. C’est ainsi que s’est développé un commerce triangulaire qui a participé à l’organisation de la ville autour des ports et du canal qui permettaient d’acheminer le coton et les marchandises jusqu’aux entrepôts (qui ont valu son nom à Kurashiki, kura signifiant entrepôt).

Le musée de l’ancienne société de cabotage Shimotsui, témoigne d’ailleurs de l’histoire du port et de son évolution. Situé dans les locaux restaurés avec soin de cette société de caboteurs qui transportaient harengs séchés et algues depuis le 17e siècle. On y trouve aussi une boutique qui propose de délicieuses spécialités locales, comme l’anguille de mer (Anago) séchée et surtout les fameux poulpes séchés que l’on peut apercevoir accrochés par-ci par-là dans le quartier.

Shimotsui et ses petites ruelles étroites

Shimotsui et ses petites ruelles étroites

Shimotsui est un charmant petite village de pécheur, aux ruelles étroites et à l’atmosphère paisible. C’est là que le pont de Seto pose ses premières jambes dans la mer intérieure pour se diriger vers les îlots voisins avant de rejoindre Shikoku.

Vue des hauteurs de Shimotsui

En montant sur les hauteurs, on a une magnifique vue sur le port et l’ensemble du quartier. Une vue que l’on retrouve d’ailleurs dans l’anime de Kenji KAMIYAMA, Hirune Hime, puisqu’il s’agit justement du quartier de résidence de l’héroïne. Les animateurs ont parfaitement su saisir l’ambiance douce et familiale de Shimotsui et c’est d’ailleurs l’une des principales réussites du film.

Vue sur la mer de Seto depuis le Mont Washuzan

Encore un peu plus haut se trouve le parc du mont Washuzan qui offre une vue imprenable sur le pont de Seto et la mer intérieure ; un paysage saisissant qui donne envie d’aller voir la mer de plus près. Justement, suite à l’inauguration du pont de Seto en 1988, un port de plaisance a été crée à Kojima, à proximité du mont Washuzan. On peut y embarquer pour une petite croisière qui offre des panoramas magnifiques au crépuscule sur le pont, mais aussi, plus surprenant, sur la zone industrielle de Mizushima qui s’illumine à la nuit tombée.

À la belle saison, il est aussi possible de profiter de la mer en s’y baignant, ou en lézardant au soleil sur la plage de Sami.

 

Kojima Jeans Street : la fibre textile

Qui dit culture du coton et filatures dit évidemment industrie textile ! Il est vrai que le textile a tenu une part importante dans l’histoire de Kurashiki de longue date. C’est d’ailleurs toujours le cas aujourd’hui, et la ville est considérée comme premier producteur du pays.

L’atelier de l’entreprise Akashi School Uniform Company

Déjà à l’époque Edo (1603-1868), Kurashiki se bâtit une réputation dans l’ensemble du pays en produisant le coton tressé utilisé pour les manches de katana, puis pour la production de chaussettes tabi à partir de l’ère Meiji (1868-1912). Avec l’arrivée de l’ère Showa (en 1926), Kurashiki sera vite connue comme « la ville de l’uniforme scolaire », élément si caractéristique du Japon. Seulement, avec les années 60, vient le déclin du marché de l’uniforme. Si, encore maintenant, plus de 70% des uniformes scolaires de l’ensemble du pays sont fabriqués à Kurashiki (par la compagnie des uniformes scolaires Akashi, entreprise créée en 1865), c’est sur le terrain du jean que se sont recentrés de nombreux artisans de Kurashiki dès cette période.

 

 

 

 

 

 

 

 

Kurashiki est ainsi devenue la capitale du jean japonais et un haut lieu pour les esthètes de la toile Denim haut de gamme. Un quartier de la ville symbolise cet enthousiasme : Kojima Jeans Street. On y trouve évidemment de nombreuses boutiques consacrées à cet incontournable du vestiaire moderne, mais aussi le musée Betty Smith du jean ainsi que des ateliers, des teintureries et des artisans. Jeans personnalisés ou sur mesures, accessoires de tous types fabriqués en toile Denim, on y vend tout ce qui s’y rapporte.

Mais ce n’est pas tout : le quartier entier est habillé aux couleurs du blue jeans. Des pantalons sont accrochés au milieu de la rue, l’asphalte est teinté spécialement, les plaques d’égout indiquent la couleur et le reste du mobilier urbain (distributeurs de boissons, cendriers, poubelles …) est tout de jeans vêtu. On peut même y déguster des brioches vapeurs, des burgers ou des glaces couleur indigo !

Le quartier possède, Japon oblige, sa propre mascotte appelée G-Panda, et même Momotaro, le personnage de conte et mascotte de la région d’Okayama – réputée pour sa production de pêches – y porte le jeans, ayant été pris pour emblème d’un fabricant.

G-Panda

Momotaro

Il y a donc de quoi visiter à Kurashiki. Pour terminer, on peut préciser qu’un autre aspect très agréable de la région, c’est que les gens y sont très accueillants et que l’on y mange très bien. La mer intérieure est généreuse pourvoyeuse de délicieux produits marins, poulpes et autre poissons et coquillages à déguster notamment en sashimi ou tempura. Mais l’agriculture locale et aussi réputée pour ses pêches et son raisin. Que ce soit les restaurants ou les petites échoppent de snack salés ou sucrés, la découverte des spécialités culinaires locales est en soi un plaisir.

Mais on vous conseille évidemment d’en faire l’expérience par vous-même. Aussi, si vous vous rendez à Hiroshima ou à Shikoku, n’hésitez pas faire une halte d’une ou plusieurs journées pour découvrir un lieu riche d’histoire et encore préservé du tourisme de masse.

Pour plus d’informations vous pouvez visiter le site de tourisme de la ville de Kurashiki ou jetez un œil à notre album photo dédié !

 

Article réalisé grâce à un voyage co-financé par l’un de nos partenaires. Plus d’informations dans nos Mentions légales & conditions générales.

Photo de UNE par le Guide de Tourisme officiel de la préfecture ©Okayama Prefectural Tourism Federation. All Right Reserved.

4 réponses

  1. 14 mai 2018

    […] y a été apporté – le réalisateur s’est inspiré des villes côtières de Nagoya et Kurashiki – et rend la petite ville fictive de Hinashi (littéralement « sans soleil », car située […]

  2. 21 juin 2018

    […] y a été apporté – le réalisateur s’est inspiré des villes côtières de Nagoya et Kurashiki – et rend la petite ville fictive de Hinashi (littéralement « sans soleil », car […]

  3. 9 juillet 2018

    […] Ayant eut la chance de nous rendre à Kurashiki, théâtre principal de l’histoire d’Hirune Hime, nous avons décidé de revenir sur le long métrage de Kenji KAMIYAMA et d’examiner d’un peu plus près le travail des animateurs dans leur retranscription de ce jolie petit coin de Japon dont nous vous parlions le mois dernier. […]

  4. 28 août 2018

    […] avons pu visiter la Akashi School Uniform Company, maison vieille de plus de 150 ans établie à Kurashiki et qui fabrique plus de 70% des uniformes scolaires japonais, d’Hokkaido à Okinawa. […]

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