Granblue Fantasy Relink, un RPG qui a su se faire attendre

Le 1er février dernier sortait sur Playstation 4 et 5 Granblue Fantasy Relink, un jeu qui s’est fait attendre près de 5 ans durant. Si entre temps un jeu de combat nous a fait patienter, et que le jeu mobile a toujours cours au Japon, la licence prend un essor d’une nouvelle envergure avec la sortie d’une mouture RPG sur consoles de salon, qui pourrait être une forme de consécration pour un univers de Fantasy comme celui-ci. L’attente en valait-elle la peine ? C’est quoi la saga Granblue Fantasy ? Nous y répondons ici.

Une saga qui dure

Granblue Fantasy est une licence qui fête cette année ses 10 ans ! Si ce nom ne vous dit étonnamment rien, il en est tout autre au Japon. La principale raison de cette percée qui ne s’est jamais faite en Occident tient peut-être dans la nature du soft : Granblue est un jeu mobile de type gacha.

Le marché du jeu mobile est bien plus important au Japon, mais surtout existe depuis plus longtemps. S’il est désormais courant de voir des RPG de ce type sur nos stores (notamment fourni par Square Enix pour les plus qualitatifs d’entre eux), la licence Granblue a démarré avant que cette tendance n’émerge chez nous. Un coche loupé qui n’aura jamais vraiment été rattrapé : le jeu n’étant pas téléchargeable sur iOS et Android en France, il faut passer par une version sur navigateur PC pour s’y essayer, de quoi limiter sa popularité.

Dans sa contrée d’origine, Granblue Fantasy a par contre vite gagné en popularité depuis 2014, au point d’atteindre les 25 millions de téléchargements en 2019, et générer près de 500 millions de dollars seulement entre 2017 et 2018. C’est pourquoi des projets cross media autour du jeu ont naturellement commencé à se développer, d’abord en 2016 avec un manga, puis en avril 2017 avec la première saison d’un anime par A1-Picture, et enfin d’une seconde en 2019 par MAPPA. Des « fan festival » sont également organisés tous les ans comme pour tout jeu rassemblant une forte communauté.

En 2020, la licence passe un cap et commence à arriver sur consoles de salon en annonçant deux jeux : Granblue Fantasy Relink qui sera axé sur l’aspect RPG, et Granblue Fantasy Versus qui sera un jeu de combat. Développé par l’excellent studio Arc System Works, Versus est un très bon jeu, ultra dynamique, avec un graphisme en Cell Shading du plus bel effet, comme le précédent jeu du studio : Dragon Ball FighterZ. Relink est alors toujours annoncé à une date proche, mais indéterminée. D’abord développé par Platinum Games et prévu pour 2018, CyGames décide cependant de reprendre les rênes en cours de route, et la sortie de la Playstation 5 arrivant, prend encore du retard pour gérer le développement sur celle-ci. C’est finalement fin janvier 2024 que sort le jeu.

Au commencement était la fille de l’Azur

Durant 10 ans, Granblue a su enrichir son histoire à coup de mises à jour, mais pour étendre un tel univers, il fallait une base solide.
L’histoire part donc d’un plot très basique : un jeune orphelin et son familier, vivant sur une île sans histoire, voient leur vie bouleversée lorsqu’un bâtiment de guerre explose dans le ciel, laissant s’échapper des débris non-loin du village. En se rendant sur place, Gran fera la rencontre de Lyria, une captive de l’empire d’Erste, avec qui il finira par partager sa vie et son destin. Accompagné de la chevalière déserteuse Katalina, le trio démarrera une aventure à travers les cieux à destination d’Estalucia, un continent mythique, où les rencontres en tous genres se multiplieront.

La très grande longévité du soft a permis d’enrichir son lore durant ses quelque 177 chapitres (les deux saisons de l’anime narrent jusqu’au chapitre 28 pour vous donner une idée). Ainsi, il faut également compter sur les astraux, les créatures originelles, la Guerre des cieux, et toute la géopolitique du continent de Phantagrande.

Dans cet historique, Grandblue Fantasy Relink fait le choix de nous narrer la « seconde partie » du jeu de base. C’est-à-dire que toute la « première aventure » qui provient du jeu mobile, et qui est racontée dans l’animé et le manga, est résumée succinctement dès l’introduction. Pour proposer quelque chose de plus « inédit » aux joueurs de longue date (et ne pas raconter pour la énième fois les prémices), le soft fait une entrée en matière rapide dès sa première heure. Cela donne un peu l’impression de prendre un train scénaristique en marche, car sans être averti sur ce choix de narration (Relink ne nous prend pas du tout par la main pour nous expliquer quoi que ce soit à ce sujet) on est vite perdu. Pour exemple, dans un chapitre notre personnage acquiert une nouvelle tenue, qui semble importante et doit faire lien avec le lore de la licence, mais tombe vraiment comme un cheveu dans la soupe. Il existe bien les « épisodes du destin », sorte de séquences en Visual Novel, qui sont là pour revenir sur ces événements, personnage par personnage, mais cela donne vraiment l’impression d’un bout de scénario posé nonchalamment sur le bas-côté de la route principale.

Idéalement, pour vous plonger dans l’univers de Granblue Fantasy, et vivre Relink comme il se doit, nous vous conseillerions de regarder l’anime. Les 8 tomes du manga publié chez Pika Edition entre 2019 et 2021 sont aussi une très bonne porte d’entrée à l’histoire.

Pour en savoir plus sur ce qui entoure la saga, vous pouvez aller faire un tour sur notre article dédié à Granblue Fantasy Versus.

Une direction artistique de choc

Développé par CyGames, Relink dispose d’une équipe de choc pour sa direction artistique ! Hideo MINABA, directeur artistique sur Final Fantasy IX et XII, et le duo Nobuo UEMATSUet Tsutomu NARITA donnent une force visuelle et sonore de haute volée au jeu. On sent une grande richesse dans les concept arts et les multiples illustrations qui jalonnent le soft, et l’ensemble de l’OST est très bon, avec des pistes qui se font particulièrement remarquer. En terme de mise en scène, le jeu excelle aussi, le moindre départ en aéronef prend des allures de tableaux. L’environnement étant principalement constitué d’iles flottantes dans les cieux, les nuages et les vaisseaux sont omniprésents. Cette constante est réussie, et la cohérence entre cet univers, ses musiques, et sa patte graphique fonctionne très bien.

Pour revenir sur la mise en scène, Cygames a su s’inspirer de la concurrence RPGesque pour créer des moments forts. Que ce soient par les terrains escarpés qui offrent parfois des séquences de plateforme vertigineuses, ou via les boss souvent imposants (voir carrément gigantesques, chapeau bas pour l’affrontement contre Excavallion !), on nous offre une scénographie qui envoie du lourd et que vous aurez tout le temps envie de prendre en captures d’écran. Les deux derniers chapitres du jeu sont d’ailleurs particulièrement bien réalisés, et offrent des décors très riches et beaux pour des affrontements intenses. Bref, vous ne serez pas déçus par l’action que le titre propose !

Mais une réalisation qui ne suit pas

Là où le bât blesse, c’est sur la réalisation. Si les séquences pré-calculées sont jolies, quand viennent les phases d’exploration le jeu est à la ramasse graphiquement, tout juste aussi beau qu’un Tales of Arise, certes Triple A, mais sorti sur PS4 en 2021. Quasiment tous les PNJ sont au strict minimum tant sur leur modélisation que sur leur diversité. On sent vraiment une pauvreté de ressources à ce niveau-là. Nous disions que les décors étaient réussis dans leurs concepts, mais ce n’est par contre pas possible d’en mettre si peu. Vous ne visitez en tout et pour tout que 7 lieux. Et si vous pensiez prendre un bol d’air frais avec les quêtes annexes, détrompez-vous, vous revisiterez strictement les mêmes maps que dans la trame principale.

Le contenu annexe, parlons-en. Vous aurez d’un côté les quêtes à accepter auprès des PNJ qui se résumeront à rapporter des items ou tuer certains monstres. Clairement, dès la seconde moitié du jeu, une grande partie des quêtes annexes seront réalisables au moment-même où vous les accepterez, car vous aurez déjà sur vous les items, rendant celles-ci encore plus insipides (il n’y avait déjà aucun intérêt à lire les textes de ces PNJ copiés/collés au possible). Elles restent cependant presque obligatoires vu les récompenses folles qu’elles rapportent parfois (oui, ramener 3 galets peut vous offrir 250 points de maitrise, au lieu des 5 acquis par montée de niveau). En parallèle, un bureau de guilde vous propose des contrats notés vous permettant de récolter des ressources pour l’amélioration de vos armes. Ces contrats se résumeront à ré-affronter des boss de l’histoire principale et des vagues d’ennemis dans des zones déjà visitées. Tout cela tourne vite en rond au vu du très peu de diversité offerte.

Des combattants et des combats épiques !

La comparaison avec Tales of Arise faite plus haut est d’autant plus forte que le système de combat très dynamique y ressemble beaucoup. Chaque combattant dispose de quelques combos mêlant attaques normales et attaques puissantes, des techniques spéciales acquises durant son évolution, d’attaques chargées, et de finish. Ajoutez à cela les « attaques lien », les « full burst », et vous aurez un cocktail bourré d’action. Granblue Fantasy s’inscrit dans une lignée de RPG aux combats orientés action dans l’air du temps.

Avec un grand nombre d’ennemis à l’écran, les effets que déclenchent les techniques des personnages donnent beaucoup de panache et de cachet. Certains pourraient y reprocher un manque de clarté, d’autres leur trouveront une surenchère appréciable, vous aurez compris que nous penchons pour la seconde option.

Les combats de boss majeurs ont déjà une scénographie importante, et cela impactera aussi parfois le gameplay des combats, permettant par exemple de passer en mode FPS, ou de contrôler une bête. Cette diversité est très appréciable, et la richesse du gameplay ne s’arrête pas là, puisque tous les personnages se jouent différemment. Et quand nous disons chacun, c’est parmi les 19 protagonistes jouables ! Sans être difficiles à prendre en main, ce choix permettra surtout de trouver chaussure à son pied, et nul doute que plusieurs d’entre eux sauront vous plaire.

Dans un cheminement inégal…

Le deuxième point noir de Relink après ses défauts techniques, c’est sa progressivité. Sans parler du début de l’aventure qui risque de perdre un nouveau venu, c’est toute la structure du jeu qui est étrange. Sachez que l’histoire principale se termine en 20 heures, en faisant toutes les quêtes annexes disponibles entre les chapitres ainsi que les améliorations de stats et d’armes possibles. Pourtant, le jeu annonce une durée de vie de 100 heures, ce qui a de quoi déconcerter jusqu’au chapitre final. Cela est dû au endgame, qui représente donc 80% du jeu. Le problème c’est que ce endgame est constitué de quêtes de farm servant à améliorer vos personnages toujours plus haut.

Concernant la progression dans le fil rouge, tout vous tombera dans le bec. Chaque destination est pointée du doigt, presque chaque coffre est sur notre chemin, et tout est très linéaire. Idéal pour les débutants en J-RPG qui veulent simplement suivre l’histoire, ennuyant pour les habitués qui ont envie de farfouiller un jeu. Et cette progressivité est déséquilibrée. Vous allez vous retrouver à stagner dans l’évolution de vos stats (amélioration et fabrications de vos armes), n’ayant vite plus rien à faire en dehors du fil rouge après chaque début de chapitre. Le souci étant que ce n’est qu’en endgame que nous avons accès à la majorité de ce contenu (les quêtes accessibles au dernier chapitre ne sont que de niveau « Normal », alors que 4 niveaux de difficulté supérieurs existent par exemple).

Parmi le contenu dont on a accès seulement après la fin de l’histoire, il y a les personnages déblocables. Énorme plus au jeu, cette richesse a de quoi nous attiser dès qu’on les voit dans le HUB. Problème, ils sont de vraies pièces rapportées, et n’ont aucune interaction avec le reste du jeu. Normal vu la quantité folle d’entre eux (15 !) et le fait qu’on les débloque dans l’ordre de notre choix (nous vous conseillons d’ailleurs de commencer à agrandir votre équipe avec Lancelot, aussi agréable à manier qu’efficace au combat), mais très frustrant, car leurs lores semblent tout aussi plaisants, voire plus, que certains perso du roster de base (comme Cagliostro que nous aurions volontiers préféré avoir à la place de Io…). Et même leurs gameplay sont très intéressants. Si les personnages de base ont logiquement on gameplay de base, il y a vraiment moyen de s’amuser avec les autres protagonistes.

En fait, Relink est construit comme le jeu mobile dont il est issu. Si cela peut se vivre sans souci avec les systèmes de tickets, le fait que l’essentiel du jeu soit constitué de farm est déjà plus problématique, à moins d’aimer ça. Bien sûr, d’autres types de jeux fonctionnent déjà comme cela. Un MMORPG comme Final Fantasy XIV, à haut niveau, repose sur la construction d’un build ultime pour être prêt lors de nouveaux défis HL. Mais Relink est très loin de proposer un contenu équivalent (et ce n’est pas le but, n’étant pas un MMO). Un jeu comme Monster Hunter ne dispose pour ainsi dire pas de quête principale, et se résume à faire des défis en boucle et chasser toujours les mêmes monstres dans les mêmes lieux pendant des centaines d’heures, mais n’est pas Monster Hunter qui veut, et surement pas Relink.

Ce qui pêche dans Relink, c’est sa composante RPG, et le fait qu’on l’aborde comme tel, alors qu’il est construit comme un jeu mobile. Si la perspective de dizaines d’heures de farm peut rebuter, il faut quand même dire que le temps de prendre en main chaque protagoniste, vous passerez un bon moment dans ces joutes endiablées, les parties en lignes donnant également du renouveau au jeu pour les quêtes les plus challengeantes.

En résumé, l’intention à travers Granblue Fantasy Relink est bonne (transposer un jeu mobile au lore aussi étendu), mais la réalisation boite (graphiquement comme narrativement). Sa dominante RPG n’est pas assez exploitée, et s’il imite les plus grands avec parfois de la réussite (comme dans ses mises en scène et sa direction artistique), il lui manque beaucoup de contenu auxiliaire pour avoir suffisamment d’épaisseur, et un meilleur équilibre entre trame principale et endgame. Il propose cependant des affrontements dynamiques, des combattants agréables à utiliser et tous très différents, et une OST digne des plus grands titres de fantasy.

Disponible sur PS4, PS5 et Steam, Cygames est fier d’annoncer que seulement 11 jours après sa sortie, le jeu s’était vendu à 1 million d’exemplaires. Une belle performance pour cette licence qui ne demande qu’à être plus explorée.

Captures d’écran réalisées par Olivier BENOIT pour Journal du Japon © Cygames, Inc.
Jeu testé sur une version dématérialisée PS5 fournie par Cygames Europe

Olivier Benoit

Présent sur Journal du Japon depuis 2013, je suis un trentenaire depuis longtemps passionné par l'animation traditionnelle, les mangas et les J-RPG. J'écris dans ces différentes catégories, entretiens également la rubrique hentai, et gère le pôle gastronomie. J'essaie de faire découvrir au plus grand nombre les choses qui me passionnent. @oly_taka

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