Macross Zero : Pacific Dream

Le mois dernier, nous vous présentions la saga Macross à l’occasion de la réédition par AllTheAnime de Macross Plus, chef d’œuvre inaltérable des années 90 et renouveau de la légendaire franchise concurrente de Gundam. C’est maintenant l’inédit (en France) Macross Zero, préquel de la saga produit au début des années 2000 pour célébrer les 20 ans de Macross, qui attire notre attention suite à son édition, toujours chez AllTheAnime.

Une série dont la gestation n’a pas été des plus simple et qui pourtant constitue un pivot important dans l’évolution de la franchise, tant dans l’approfondissement de ses thématiques que dans son évolution technique et esthétique.

©2002 BIGWEST/MACROSS ZERO PROJECT

Une gestation contrariée

©2002 BIGWEST/MACROSS ZERO PROJECT

Produite pour célébrer les 20 ans de la série originale, Macross Zero est une série d’OAV (5 au total) envisagée comme un préquel à la saga dont les évènements se situent entre le crash du SDF-1 sur terre et l’arrivée des Zentradiens, plus précisément vers la fin de la guerre d’unification. L’idée était d’aborder cette période charnière de conflit pendant laquelle les premiers chasseurs variables valkyries furent conçus. Shôji Kawamori imagine notamment décrire la vie des militaires sur le champ de bataille et à bord d’un porte-avion dans le pacifique, un peu sous la forme d’un feuilleton de guerre. Mais alors que Kawamori et Ichiro Itano sont en voyage de repérage, en Thaïlande et au Laos, la grande Histoire les rattrape à travers les attentats du World Trade Center. Nous sommes le 11 septembre 2001. Après cela, il leurs semblait inconcevable de poursuivre le développement d’une histoire uniquement centrée sur des aspects purement militaires. Ils décident donc de changer quelque peu leur fusil d’épaule pour privilégier une dimension qu’ils qualifient de « mythologique », en évoquant les racines mystérieuses de la protoculture et en recentrant l’histoire sur une île dont la population autochtone vas être confrontée à une guerre dont elle n’était pas partie prenante, et sur un jeune personnage de militaire en plein questionnement. Il s’agira donc moins de décrire la guerre que ses conséquences, tout en développant certains aspects de la mythologie Macross. Macross Zero deviendra ainsi une œuvre résolument pacifiste, abordant notamment les thèmes de l’opposition entre les traditions et la modernité, l’absurdité de la guerre et de ses conséquences …

Ce n’est pas pour autant que rien ne subsistera de cette première intention. En effet, quelques séquences évoquent la vie des soldats à bord d’un porte-avion, et l’on découvre beaucoup de chose sur les premières valkyries et leur transformation. De même, on y retrouvera évidemment les invariants de la saga Macross (avions transformable en robot, triangle amoureux et importance du chant dans la diégèse de la série).

En développant la mythologie Macross, et à bien d’autres égards encore, Macross Zero constitue un pivot pour la franchise.

Protoculture addict : Une SF adulte et pacifiste

Shin Kudo ©2002 BIGWEST/MACROSS ZERO PROJECT

Mais prenons un peu le temps de planter le décor :

L’OAV prend place en 2008, soit 9 ans après le crash du gigantesque vaisseau extraterrestre qui deviendra la SDF-1 sur terre en 1999. Suite aux bouleversements entraînés par la révélation d’une vie extraterrestre aussi avancée technologiquement, les grandes nations se lancent dans un effort de développement technologique et militaire, et surtout, d’union politique en se plaçant sous l’égide d’un gouvernement des Nations Unies. Mais cette unification ne se fait pas sans heurts, et bientôt, des protestations voient le jour débouchant sur un violent conflit à l’échelle mondiale : la guerre d’unification.

En 2008, ce conflit fratricide pour l’humanité en est à ses derniers soubresauts. Shin Kudo, un jeune et talentueux pilote de 18 ans au sein des forces des nations unies, est abattu dans le pacifique sud par un chasseur anti-union d’un modèle encore inédit. Il se retrouve ainsi échoué sur l’île Mayan. Les habitants de cette îles relativement isolées et jusqu’à présent préservée de la guerre le soignent et l’accueillent à bras ouverts, à l’exception de Sara Nome. Cette dernière, prêtresse du village, en est la gardienne des traditions (notamment le culte de l’homme-oiseau) et voit en Shin un oiseau de mauvaise augure qui va amener sur le village la violence et la destruction. Tantôt Sara rejette Shin et la modernité qu’il représente, tantôt sa jeune sœur Mao, qui ne rêve que du monde extérieur et de la civilisation est d’emblée très curieuse de cet étranger auquel elle s’attache. Mais Shin n’a qu’une envie, retrouver son armée et se remettre au combat. Un vœu qui va se réaliser rapidement quand l’île deviendra le théâtre de violents affrontements entre les chasseurs les plus perfectionnés des deux camps. Shin va alors intégrer l’escadron d’entrainement au pilotage des prototypes de Valkyrie, dirigé par le lieutenant Roy Focker, et apprendre à diriger ces appareils d’un nouveau genre à la technologie encore balbutiante. Rapidement, ses ordres vont le ramener sur l’île Mayan quand des scientifiques veulent étudier d’anciennes reliques liées au culte ancestral de l’île. Des reliques qui semblent étrangement liées à la technologie extraterrestre à l’origine des Valkyries et pour lesquelles les deux camps se battent. Une bataille sans merci s’engage, avec dans la balance, non seulement l’issue du conflit, mais aussi la survie de l’humanité qui semble liée à la mystérieuse théorie de la protoculture.

Sara Nome est d’abord méfiante à l’égard de Shin ©2002 BIGWEST/MACROSS ZERO PROJECT

Si Macross Plus portait la marque de Top Gun, Macross Zero, tout en gardant la même orientation résolument adulte et cinématographique, n’est pas sans évoquer La Ligne Rouge de Terence Malick. Le parallèle tient moins dans une véritable reprise du canevas scénaristique à proprement parler que dans l’intention pacifiste et l’idéalisation d’une nature sauvage et idyllique, ainsi que dans l’emphase sur les absurdités d’une guerre qui entretient un cercle vicieux d’animosité entre deux camps. Shin a perdu sa famille encore enfant des suites de la guerre d’unification. Un passé lourd de conséquences, entre difficultés relationnelles et trouble post-traumatique. Une caractérisation qui se retrouve finalement aussi chez ses adversaires (notamment Nora Polyansky). Au contact de Sara, de Mao et de la nature de l’île, Shin va s’ouvrir aux autres, s’adoucir, et trouver une autre motivation que la vengeance : le désir de protéger, sortant ainsi de ce cercle vicieux.

Mao Nome ©2002 BIGWEST/MACROSS ZERO PROJECT

Aussi, à travers sa mise en scène de la protoculture et du culte de l’homme-oiseau, Macross Zero s’inscrit la lignée d’une science fiction pacifiste à la manière de Le Jour ou la terre s’arrêta ou Abyss. Une lignée dans laquelle on retrouvera ensuite Avatar. Toute en restant assez sibyllin, le récit laisse entrevoir l’importance de ce concept de protoculture dans la mythologie Macross. Un sujet totalement absent de Macross Plus dont l’histoire était plus circonscrite thématiquement.

Mais plus encore, la série fait office de trait d’union entre la série originelle et Macross Frontier qui sera diffusé au Japon en 2008 avec grand succès.

Un trait d’union dans la saga Macross.

Roy Focker, toujours très charismatique et attachant ©2002 BIGWEST/MACROSS ZERO PROJECT

On l’a déjà évoqué plus haut, Roy Focker, un des personnages de la sérié originelle préféré du public, est présent dans Macross Zero, non pas pour un simple caméo, mais en tant que véritable personnage, bénéficiant d’intrigues développées qui étoffent son background vis à vis de la première série. Au-delà d’être un grand pilote qui va former Shin au maniement de la valkyrie, on en apprend plus sur sa jeunesse et ses motivations. Il va retrouver un amour de jeunesse devenue anthropologue en la personne de Aries Turner, principal catalyseur de la ligne narrative sur l’étude des reliques Mayan et la protoculture.

Autre personnage plus secondaire : Edgar Lasalle, copilote de Shin, dont on comprend qu’il est le frêre de Claudia Lasalle, personnage de la première série (et future petite amie de Roy). Un clin d’oeil plus anecdotique pour un personnage qui a cependant le mérite de donner plus d’épaisseur à celui de Shin et à son évolution humaine.

Évidement, les appareils présentés, souvent prototypes des valkyries et autres destroids déjà connus du public, contribuent eux aussi à ce lien et au plaisir des fans les plus observateurs.

©2002 BIGWEST/MACROSS ZERO PROJECT

Voilà en ce qui concerne le passé. Mais Macross Zero offre aussi une fenêtre sur le futur de la saga en la présence des sœurs Nome, Sara et Mao. En effet, pour ceux qui ont eu l’occasion de voir Macross Frontier, le nom de Nome n’est pas inconnu. En effet, Sheryl Nome, l’un des 3 personnages principaux de Macross Frontier, n’est autre que la petite-fille de Mao. Les évènements mis en scène dans Macross Zero eux-même feront d’ailleurs l’objet d’un film au sein de la diégèse de Macross Frontier, dans lequel, non sans une certaine ironie, c’est le personnage de Ranka Lee, amie et rivale de Shéryl, qui interprètera celui de Sara Nome (et non pas sa petite nièce, donc).

Autant de détails qui ajoutent de la saveur à la découverte à postériori de Macross Zero, sans pour autant en gêner la compréhension pour les néophytes. Mais les apports thématiques principaux de la série tiennent avant tout à la confirmation de la protoculture, et à l’explicitation du pouvoir de la musique qui en découle. En effet, dans Macross, la musique et le chant relèvent toujours d’un pouvoir mystérieux et quasi-magique (dans Macross 7, on évoque la question d’une force de vie. La capacité des chanteuses et chanteurs des différentes séries à transmettre par leur chant leurs sentiments et ainsi à influer sur le court d’un conflit (pour Minmay dans la série classique, ou pour Basara Nekki dans l’inédit Macross 7) ou à hypnotiser leur auditoire (pour Sharon Apple dans Macross Plus), trouve ici une nouvelle application en même temps qu’une explication « scientifique ». Celle-ci, intimement liée à la protoculture et que l’on ne dévoilera pas pour ne pas spoiler, prendra beaucoup plus d’importance dans la suite de la saga et se retrouvera au cœur de Macross Frontier.

Prototype

©2002 BIGWEST/MACROSS ZERO PROJECT

Les choix techniques mis en place dans Macross Zero auront, eux-aussi un impact non négligeable sur l’esthétique non seulement de l’OAV, mais aussi sur la suite de la saga : après avoir expérimenté à petite échelle avec les images de synthèse dans Macross Plus, Shôji Kawamori et son équipe font cette fois le choix de s’y confronter plus directement en optant pour des méchas et des séquences de combat quasi-entièrement réalisées en 3D, tandis que les personnages et les décors restent en animation traditionnelle. Un véritable défi pour Ichiro Itano qui a dû former de jeunes animateurs 3D et leur apprendre sur le tas à adapter son style, si caractéristique de Macross, à ce nouveau medium. Un processus qui n’a pas été de tout repos mais qui a permis au légendaire animateur de passer la main progressivement à ses équipes au fur et à mesure des épisodes. A ce titre, l‘épais livret qui accompagne la présente édition est particulièrement instructif avec de nombreuses interviews et documents documentant avec beaucoup de détails la production de l’OAV.

Valkyrie ©2002 BIGWEST/MACROSS ZERO PROJECT

Au final, le résultat est plutôt réussi, surtout si on le compare à d’autres projets l’ayant précédés de quelques années (on pense notamment à Blue Submarine n°6, intéressante série d’OAV qui tentait déjà en 1998 cette hybridation animation 2D/mécha 3D). Ici, les choix de textures donnés aux appareils permettent de mieux les intégrer (même s’il ne s’agit pas encore de cell-shading), et les effets de lumières (jeu avec le couchant, par exemple) renforcent encore ce rendu en lui donnant une véritable personnalité. En outre, les choix de réalisation qui en découlent (l’utilisation des nuages pour mieux mettre en scène et faciliter la compréhension des combats aériens), à défaut d’atteindre la frénésie jouissive des dogfights de Macross Plus, ont pour qualité de leur donner une réelle clarté et fluidité. C’est la grande qualité de ces scènes qui acquièrent ainsi une dimension quasi-pédagogique quand au fonctionnement des valkyries et autres méchas. Un choix qui permet donc de mieux comprendre la logique derrière les transformations des différents appareil, comme les stratégies des pilotes lors des dogfights. Il est d’ailleurs assez palpitant d’observer Shin progresser dans son apprentissage du pilotage et prendre son envol tout au long de la série, en s’inspirant notamment de la nature qu’il découvre au fil des épisodes.

Évidement, tout n’est pas aussi réussi, et certains effets de fluides (les liquides – la canette de soda de l’épisode 2 – ou la fumée) ont mal vieilli. L’homme-oiseau aussi, très réussi en 2D, ne s’intègre pas aussi bien en 3D. Il arrive d’ailleurs que certains plans de mechas aient d’ailleurs finalement été réalisés en animation traditionnelles.

La valkyrie en 3D CGI ©2002 BIGWEST/MACROSS ZERO PROJECT

Les personnages eux, sont réalisés en 2D, y compris lors des dogfights où ils sont intégrés dans les méchas en 3D. Ce qui surprend au début mais reste un choix cohérent et judicieux. Le chara-design, très réussi, est plus doux et intemporel que celui, très stylisé, de Macoss Zero, tout en conservant une dimension plus adulte que la série originelle. Le travail sur les décors, en particulier l’île Mayan, est dans la même lignée, enchanteur. Beaucoup d’attention a été portée à la construction des artéfacts du culte de l’homme-oiseau. Il en a évidemment été de même concernant le mécha-design évoqué plus haut.

Au final, ce mélange entre la 2D des personnages et des environnements, particulièrement bien mis en valeur lors des scènes où Shin découvre la nature de l’île Mayan, et la 3D des combats, fonctionne très bien et apporte un bel équilibre à la série, entre moments contemplatifs et scènes d’action. L’articulation entre ces 2 lignes stylistiques nourrissants d’autant plus la trame narrative de la série et la construction des personnages.

Un petit bémol non négligeable quand on pense à Macross est cependant ici l’aspect musical, hélas moins réussi. Tantôt les chants Mayan de Sara fonctionnent et restent vecteur d’émotion, tantôt les musiques de fond sont anecdotiques (voire plagiées sur Starship Troopers pour le thème des combats aériens). On est loin du génie de Yoko Kanno dans Macross Plus ou des thèmes emblématiques de la série originelle.

La barre encore plus haut : une très belle édition

Cette édition de Macross Zero est dans la lignée de celle de Macross Plus, mais place la barre encore un cran au dessus. Techniquement, l’image comme la traduction des OAV sont parfaitement à la hauteur. Il n’y a pas cette fois de bonus vidéo comme c’était le cas la dernière fois, à l’exception d’une promo assez amusante et laissant entrevoir ce qui ont pu être des changements d’orientation en court de production. Cependant, le coffret en lui même en contient bien assez. Esthétiquement déjà, le coffret en carton rigide est très beau, avec ses deux visuels qui mettent parfaitement en valeur les deux dimensions de Macross Zero : Valkiries en 3D d’un côté et nature et somptueux chara designs de l’autre. A l’intérieur aussi, oubliez les boîtiers amaray tout bleu, on a cette fois un boîtier scanavo incolore qui permet de profiter au mieux de la jaquette imprimée recto-verso. A l’intérieur du coffret, se trouvent aussi un joli poster mettant en avant une belle illustration signée Hidataka Tenjin (qui poursuivra ensuite ses travaux avec Macross Frontier et Delta), ainsi que 8 cartes reprenant de très belles illustrations. Mais la pièce maitresse, qui fait oublier l’absence de making-of et documents vidéo, est un épais livret de 127 pages débordant de documents de travail, d’analyses et d’interviews des différents membres de l’équipe. Il constitue en lui-même un précieux accès aux coulisses de la production de Macross Zero, bien loin d’un simple petit livret promo.

Avec cette très belle édition, AllTheAnime poursuit donc son précieux travail sur la saga Macross, nous donnant enfin accès à cet inédit Macross Zero qu’on est très heureux de pouvoir découvrir dans ces conditions. Un pan de la saga qui nous permet d’envisager sous un autre jour ses autres éléments, de la série originelle à Macross Delta en passant par Frontier et Macross 7. Si rien n’a encore été annoncé pour la suite, on se plaît à espérer le même traitement pour ces autres séries, en particulier Macross Frontier.

Macross Zero est disponible en Blu Ray édition collector chez AllTheAnime

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