20 ans de Cowboy Bebop : la famille se réunit à Japan Expo

2018 est l’année des 20 ans de Cowboy Bebop, et Japan Expo a mis les petits plats dans les grands pour commémorer cet événement, à commencer par l’invitation de la quasi-totalité du staff créatif de la série (il manquait juste l’inattrapable Yoko KANNO pour parfaire le tableau). Ne pouvant se permettre de rater une telle occasion, Journal du Japon a saisi l’opportunité d’interviewer plusieurs membres fondateurs de Cowboy Bebop, donnant lieu à un petit dossier consacré à la franchise. Avant de vous dévoiler nos trois entrevues, nous vous présentons, en guise d’introduction, le compte-rendu de la conférence de presse qui s’est tenue en début de salon.

Cette conférence a débuté par une présentation de chaque invité avant de poursuivre par une session de questions-réponses, dont voici le contenu.

Cowboy bebop 20th anniversary

© Sunrise

 

Sax Quintet

Masahiko MINAMI : Bonjour, je suis producteur sur la série et très heureux d’être là pour les 20 ans de la série.

Keiko NOBUMOTO : Je suis scénariste, et à l’origine du projet d’écriture de Cowboy Bebop avec messieurs MINAMI et WATANABE.

Shin’ichiro WATANABE : Je suis réalisateur et ne pensais pas être invité ici, c’est comme un rêve pour moi d’être à Japan Expo.

Toshihiro KAWAMOTO : Malgré que la série soit sortie depuis 20 ans, je suis heureux et honoré de voir qu’elle fonctionne toujours autant.

Kimitoshi YAMANE : Concepteur de mecha, c’est la seconde fois que je viens en France, la première était il y a 27 ans pour un projet franco-japonais. Je suis donc heureux d’être là.

 

La série Cowboy Bebop a désormais 20 ans, comment expliquez-vous, encore aujourd’hui, que le succès soit toujours là ?

Masahiko MINAMI : C’est à chaque fois la même réponse que je donne : je ne sais toujours pas pourquoi il y a autant de succès, mais peut-être est-ce dû en partie à la synergie du staff présent sur la série. Chaque série a sa propre synergie, peut-être est-ce grâce à cela, qui sait.

 

Mme NOBUMOTO, quelle est votre implication dans l’origine de cette série ? Est-ce qu’être une femme dans un staff masculin a changé quelque chose ? Peut-être pour créer des rôles féminins aussi fort ?

Keiko NOBUMOTO : le projet de base a été créé par WATANABE et MINAMI, les cinq personnages de base étaient donc déjà là quand je suis arrivée dans l’équipe. Quant à leur développement, je cherchais juste à les rendre humains et avec une forte présence. On peut dire que c’est réussi car on a l’impression de sentir leur souffle à l’écran au vu de leur design.

Shin’ichiro WATANABE : Au début il n’y avait pas de chien de prévu, mais comme Keiko aimait ces derniers, on en a ajouté un. Cela s’est révélé crucial pour la suite de la série, primordial même.

 

Minami-san parlait tout à l’heure de synergie, y a-t-il un rôle bien précis à chacun ? Comment cela s’est passé ?

Toshihiro KAWAMOTO : Au niveau de l’animation, ça a vraiment été un travail collectif. WATANABE synthétisait le travail et le dispatchait parmi le staff. Chaque épisode était un épisode à part, où chacun apportait un angle nouveau, c’est ce qui a donné cet aspect unique à chaque épisode.

 

Étant une série sur l’espace, y a-t-il eu des codes à respecter ? À la même époque il y avait de grosses séries se passant également dans l’espace.

Kimitoshi YAMANE : Comme vous l’avez dit, beaucoup de séries existent dans l’espace, mais nous voulions faire autre chose. Ici c’est un univers de chasseurs de prime, et les mecha ont donc été faits en conséquence, sans limites, mais tout en restant différents.

Masahiko MINAMI : Pas de Leiji Matsumoto style ni de Yamato style ! (rires).

Kimitoshi YAMANE : D’ailleurs à la base, il y avait eu des auditions de mecha-designer, afin de trouver la personne parfaite. Mon projet a plu à WATANABE lors de cette audition, donc on va lui demander directement pourquoi.

Shin’ichiro WATANABE : C’est vrai qu’il y avait eu des auditions avec le gratin des maquettistes designer, dont Yamane. Je ne donnerai pas de nom, mais il y avait de grosses pointure, dont quelqu’un connu pour Robotech (rires). Mais en regardant le travail de Yamane, j’ai su que c’était lui, il y avait un certain réalisme qui me plaisait pour l’univers de Bebop.

Masahiko MINAMI : D’ailleurs, j’avais proposé une histoire dans le système solaire ou ailleurs, alors on m’a dit : « seulement dans le système solaire. Autrement, ça risquerait d’être compliqué ». Les vaisseaux et les dessins de Yamane allaient bien dans ce sens. Ils correspondaient parfaitement.

 

Mr KAWAMOTO, une illustration inédite a été créée à l’occasion de l’ouverture du Cafe Bebop, comment est-elle née ? Qu’est-ce que cela fait, après tant d’années, de revenir sur Cowboy Bebop ?

Toshihiro KAWAMOTO : Depuis 20 ans j’ai dessiné pour plusieurs séries, résultat : mon trait a évolué. J’ai bien-sûr travaillé pour des maquettes de DVD et autres, mais on m’a dit que ce n’était plus du Bebop, tant mon coup de crayon a changé. Donc c’est parfois difficile, mais s’il y en a bien un que je n’ai jamais arrêté de dessiner, c’est Spike. Sur Jet Black j’hésite, car je ne sais pas si je dois le faire plus vieux (rires), mais je m’en sors.

 

Cowboy Bebop OST 2 No Disc

© Toshihiro KAWAMOTO

Il y a souvent des références musicales dans les titres d’épisodes, comme cela se passe-t-il à ce sujet ?

Shin’ichiro WATANABE : Ah là aussi c’est une longue histoire, car il y a un énorme travail de fond sur cette série. Pour chaque secteur, il y a un budget alloué, mais malgré cela, j’ai dépassé le budget car j’ai prévu énormément de musique. Je me suis fait passer un savon, mais comme finalement les OST se sont bien vendus derrière, ça va (rires).

Keiko NOBUMOTO : En fait, Yoko KANNO avait déjà fait beaucoup de musiques avant que je la contacte. Résultat : beaucoup de musiques m’ont inspirée pour les histoires sur la série. Comme ces musiques sont dramatiques, cela stimule l’imagination.

 

Road To The West

 

Beaucoup d’animes parlent de culture typiquement japonaise, et cela fonctionne à l’international sans que l’on ait ses clefs de compréhension. Quelle est la raison d’après vous ?

Kimitoshi YAMANE: On a chacun des références, donc chacun réagira différemment suivant leur propres background et connaissances. Cette culture japonaise ne plait pas forcément à tous, mais à certains oui, c’est un entertainment qu’on donne, et les gens prennent donc ce qu’ils veulent.

 

Quel public était visé par le projet à la base ?

Masahiko MINAMI : D’un point de vue de production : un public japonais. D’un point de vue business : le Japon reste important pour nous dans la conception de l’anime et faire un produit aujourd’hui pour l’international est compliqué car il y a plus de 100 pays, et il faudrait en faire un pour chaque, car ils sont tous différents. Donc en créant au Japon pour le Japon, on peut toucher le reste du monde. C’est mon point de vue.

Shin’ichiro WATANABE: Le marketing, c’est vraiment le travail du producteur, le réalisateur n’en a rien à faire. Plutôt que toucher le monde, j’essaie plutôt de toucher les gens autour de moi. Par exemple, j’espérais secrètement que cela plairait à Keiko, et si ça n’allait pas sur quelque chose, je l’écoutais et corrigeais, je voulais lui plaire.

 

Cowboy Bebop est sorti à l’âge d’or de la japanimation, en même temps qu’Evangelion, ou Escaflowne pour ne citer qu’eux. Est-ce que l’engouement a été la même au Japon comme ce que l’on a connu en France ?

Masahiko MINAMI : Je peux déjà dire qu’ici 3 personnes ont travaillé sur Escaflowne. Pour Evangelion, je n’en sais rien, mais le réalisateur Hideaki ANNO est un ancien camarade de classe lorsqu’on était jeune. L’ensemble de ces œuvres s’est étalé sur à peu près 4 ans, on a tous grandi en travaillant sur les mêmes projets, les mêmes inspirations, ce qui fait qu’on a tous écrit à la même période aussi. C’était un peu la nouvelle vague japonaise, écrivez-le bien (rires).

Kimitoshi YAMANE: Ces derniers temps, il y a beaucoup de séries produites les unes à la suite des autres, sans véritable originalité, mais ce qui est sûr, c’est que chacun donne le meilleur de soi-même et j’espère un jour retravailler sur une œuvre qui parle encore autant d’elle par la suite.

Toshihiro KAWAMOTO : Lorsqu’on a travaillé sur Bebop à la fin des années 90, on était encore sur un autre modèle de l’animation et on était avec du 2×13 épisodes. Aujourd’hui, on est sur un système de 13 épisodes seulement. Souvent, ce sont des adaptations de mangas, donc c’est plus difficile et compliqué à gérer. J’espère que cette période ne durera pas.

 

Les séries d’aujourd’hui connaissent plusieurs saisons, comme Space Dandy, alors pourquoi avoir choisir de faire un film pour Cowboy Bebop ?

Masahiko MINAMI : En fait, je n’ai reçu qu’une offre pour Cowboy Bebop pour une suite, ce qui était peu. En réalité, personne n’attendait cette œuvre au départ, ce n’est qu’au fil de la diffusion que cela a pris tant d’ampleur, et certes l’histoire se termine au vingt-sixième épisode, mais l’envie était forte de le voir sur grand écran, d’où le film.




Space Dandy a apporté une nouvelle manière de concevoir une série, avec des réalisateurs d’épisode différents à chaque fois. Referiez-vous la même chose si vous deviez recommencer Cowboy Bebop ?

Shin’ichiro WATANABE : On ne peut pas vraiment penser de cette manière sur Bebop, d’ailleurs le lien entre les deux séries c’est Keiko qui l’a fait, je n’ai aucune responsabilité là-dedans.

Keiko NOBUMOTO : C’est vrai, j’avais oublié que j’étais concerné par ça.

Que pensez-vous de la nouvelle génération qui vous prend justement pour exemple?

Masahiko MINAMI : Quand j’ai commencé dans le milieu, il y avait des œuvres qui m’ont inspiré, alors je suis content que cela soit le cas aujourd’hui pour d’autres.

 

Words That We Couldn’t Say

 

20 ans après, aimeriez-vous reprendre Cowboy Bebop ? Faire comme un prequel ?

Toshihiro KAWAMOTO : Dans mon esprit, je ne pourrai pas continuer au vu de la fin du dernier épisode. Il n’y a pas de projet à ce sujet, je n’ai rien entendu de tel.

 

Mais une envie peut-être ?

Toshihiro KAWAMOTO : Pourquoi pas oui.

Masahiko MINAMI : Comme nous n’avons pas de bonnes idées de préquel, pour l’instant aucun projet n’est prévu, mais si vous en avez, n’hésitez-pas à en envoyer à Sunrise (rires).

 

Avez-vous des informations sur l’adaptation live américaine qui est prévue ?

Shin’ichiro WATANABE : (rires) ça arrive que le projet avance puis recule. Donc il vaut mieux oublier cette idée et avoir la surprise si ça se fait.

 

Comment s’est passé votre partenariat avec Bandai ?

Shin’ichiro WATANABE : Au départ, niveau merchandising, ils avaient comme projet de créer une maquette de vaisseau, et donc nous avaient passé commande. Pour ce partenariat avec Bandai Visual, nous avons eu l’idée de créer pour cela un anime basé sur un chasseur de prime. On a réalisé le premier épisode, que nous leur avons montré. Dès ce premier épisode, Bandai s’est emporté et nous a « grondé », car pour eux cela ne faisait pas « maquette ». Comme cela nous a frustrés, nous avons décidé d’abandonner le partenariat et de continuer avec notre propre boîte.

 

Encore un verre

 

Votre souvenir le plus marquant lors de la production de Cowboy Bebop ?

Masahiko MINAMI : Pendant la production chez Sunrise, je suis partie pour créer ma boite, le studio Bones, et faire les 2 (finir Bebop et monter la boite), a été le plus difficile. C’est aussi à ce moment-là que j’ai donné des cours à l’étranger, ou reçu beaucoup de remarques sur Bebop, même jusqu’à des demandes d’autographes ! Ça m’a surpris, mais ému, pourquoi moi ? Donc j’étais content.

Keiko NOBUMOTO : Dans mes souvenirs, je me rappelle surtout de nos réunions de travail avant la série, elles étaient vraiment chaleureuses, des réunions avec 90% de banalités et 10% de travail. À vrai dire, je me rends compte que ce n’est pas très japonais comme façon de faire (rires).

Toshihiro KAWAMOTO : La série Cowboy Bebop a été mon premier vrai travail en tant que directeur de l’animation, avant je ne faisais que de l’OAV, donc j’y ai appris beaucoup sur le milieu. J’ai quand-même tenté la réalisation de deux épisodes (le 2nd et le 5ème) qui n’ont jamais été diffusés à la TV (rires).

Kimitoshi YAMANE : J’avais travaillé sur d’autres séries avant, mais là j’étais mecha-designer en chef. C’était la première fois que je gérais ça, le premier vrai travail pour moi aussi. Je regardais des animes étant enfant et c’est ce qui m’avait donné envie de bosser dans l’animation. Chaque période de l’animation a son mecha de référence (Mazinger, Macross, Gundam, Yamato…) et j’espère en faire partie un jour, mais ça reste un des plus beaux travail de ma vie.

Shin’ichiro WATANABE: Première fois pour moi aussi dans un rôle si important, on était tous jeune, on se croyait immortel, on a testé des choses qu’on n’aurait peut-être pas dû, mais on l’a fait. Je me rappelle qu’il y a eu des choses difficiles, mais je ne m’en souviens plus. Mais je sais que je me suis amusé. Aujourd’hui, nous devrions créer un anime encore mieux.

Cowboy Bebop characters

© Sunrise

Dans quel personnage vous retrouveriez-vous ? Duquel vous parle-t-on le plus ?

Masahiko MINAMI : Je dirais Jet Black, car le personnage avait le même âge que moi à l’époque et que j’apprécie son code d’honneur à la japonaise, type bushido. Et que s’il y avait un film live, il faudrait que l’acteur se rase vraiment la tête (rires).

Kimitoshi YAMANE : Les 3 personnages principaux pour moi, mais si on pouvait faire un remake ou un film live, je verrais bien l’équipe des vieux pêcheurs, car j’aime la pêche et que je vois bien des navires à la place des vaisseaux.

Shin’ichiro WATANABE: Jet Black aussi, et je verrais d’ailleurs bien Samuel L. Jackson dans le rôle (rires).

Toshihiro KAWAMOTO : Moi, quand j’ai commencé à dessiner, c’était Ed. Il est brillant et vif, et la combinaison du chien et du maître me plaisait beaucoup, j’ai d’ailleurs pris exemple sur le mien pour le faire. Quant au personnage de Ed joué à l’écran, il faudrait un sosie de Yoko KANNO jeune pour le jouer (rires).

Keiko NOBUMOTO : J’aime les 4 humains de l’équipe et le chien, il y a une partie de moi dans chaque, je me suis projetée en eux. Même aujourd’hui, je ne peux pas choisir, je trouve à ce sujet les voix japonaises parfaites, tout comme les françaises, j’aimerais que les Japonais les entendent.

 

D’où vient la mention « see you space cowboy » à la fin de chaque épisode ? 

Shin’ichiro WATANABE : Keiko NUBOMOTO l’a ajoutée dans le second épisode et ça a juste été reproduit par la suite.

 

 

Voilà pour ce premier article consacré à l’équipe créatrice de Cowboy Bebop invitée au salon Japan Expo 2018. Suivront dans notre dossier, trois interviews supplémentaires, une avec le duo Masahiko MINAMI et Keiko NOBUMOTO, une avec Toshihiro KAWAMOTO, et l’autre en compagnie de Kimitoshi YAMANE.

 

SEE YOU SPACE COWBOY…

Olivier Benoit

Présent sur Journal du Japon depuis 2013, je suis un trentenaire depuis longtemps passionné par l'animation traditionnelle, les mangas et les J-RPG. J'écris dans ces différentes catégories, entretiens également la rubrique hentai, et gère le pôle gastronomie. J'essaie de faire découvrir au plus grand nombre les choses qui me passionnent. @oly_taka

6 réponses

  1. 16 octobre 2018

    […] Conférence avec le staff créatif. Interview de Masahiko MINAMI (producteur) et de Keiko NOBUMOTO (scénariste). […]

  2. 21 octobre 2018

    […] Conférence avec le staff créatif. Interview de Masahiko MINAMI (producteur) et de Keiko NOBUMOTO (scénariste). Interview de Kimitoshi YAMANE (mechanical designer). […]

  3. 21 octobre 2018

    […] Conférence avec le staff créatif. Interview de Toshihiro KAWAMOTO (character designer). Interview de Kimitoshi YAMANE (mecha designer). […]

  4. 24 janvier 2019

    […] [5] « 20 ans de Cowboy Bebop : la famille se réunit à Japan Expo » interview publiée sur 15 septembre 2018 sur Journal du Japon : https://www.journaldujapon.com/2018/09/15/20-ans-de-cowboy-bebop-la-famille-se-reunit-a-japan-expo/ […]

  5. 24 mars 2020

    […] Rain suit les traces de son prédécesseur Cowboy Bebop en matière de qualité technique. Le chara-design de Toshihiro KAWAMOTO (qui officiait déjà sur […]

  6. 21 novembre 2020

    […] essentielle, et surtout où elle précède l’image. WATANABE et son scénariste Keiko NOBUMOTO avouent volontiers s’être inspirés de morceaux préexistants de la compositrice pour l’écriture du scénario, […]

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