Poissons, un art du Japon dévoilé par Chihiro MASUI
Journal du Japon vous emmène à la découverte de l’art de préparer le poisson, de la pêche à l’assiette. Chihiro MASUI, figure renommée de la littérature gastronomique, livre les secrets de cet art japonais dans un ouvrage aussi beau qu’instructif. Elle a accepté de répondre à quelques questions.
Poissons, un art du Japon : un livre original pour comprendre et admirer
Cet ouvrage publié il y a dix ans vient d’être réédité chez Glénat. Il permet au lecteur curieux et gastronome de découvrir les poissons japonais, leur préparation (de la sortie de l’eau à l’assiette), les techniques utilisées, les maîtres qui ont accepté de montrer leur art, et même quelques recettes en fin d’ouvrage.
Comme pour tous les livres écrits par Chihiro MASUI, c’est Richard Haughton qui photographie les poissons, entiers et découpés, les mains, les couteaux, les gestes précis, les chairs rosées ou nacrées, les reflets, les brillances. De vrais bijoux sous l’œil de ce photographe expert !
Quelques notes sur la nouvelle édition sont proposées, expliquant qu’avec la fermeture du marché de Tsukiji et l’âge avançant, l’un des chefs présentés dans le livre a fermé son restaurant, un autre a passé la main à son second, le restaurant de fugu a fermé mais son chef officie dans un autre restaurant. Mais ils restent des maîtres incontestés dans leur domaine, ce qui fait qu’ils sont toujours là dans cette réédition. Puis une belle préface de François Simon, et Chihiro présente la cuisine japonaise en histoire et en géographie.
Elle parle ensuite saveurs et techniques. Les saveurs japonaises sont basées sur l’umami (le dashi fait avec l’algue kombu et le katsuo-bushi, copeaux de bonite séchée) et le shun (la saveur de l’éphémère, qui fait qu’un produit, y compris un poisson, ne peut pas être mangé toute l’année, et n’a pas la même saveur en début, milieu ou fin de « sa » saison). Côté technique, elle explique l’art de traiter le poisson : l’iké-jimé, une mort sans souffrance que savent réaliser les pêcheurs et poissonniers japonais, la chimie de l’umami et de la texture (le chi-nuki, saigner le poisson pour éviter le mauvais goût, le nékasu, un temps de maturation nécessaire au poisson, comme on le connaît pour les viandes en occident). Le couteau a aussi son importance (les photographies montrent les couteaux en action, mêlant tranchant parfait, finesse, précision, délicatesse).
Le lecteur pénètre ensuite dans l’univers du poisson, du sushi et du sashimi avec un maître sushiya, Hachiro Mizutani. Il le découvre en pleine pratique, son portrait étant tracé avec minutie et admiration par Chihiro : ingrédients, apprentissage, technique. Tout est précis, maîtrisé.
Puis les poissons défilent, d’abord avec leur fiche d’identité : nom japonais, nom français et nom scientifique, taille et poids, lieu de pêche, saison et meilleure saison. Des précisions sont ensuite apportées sur la façon dont il est préparé, étape par étape, avec des éléments d’explication du chef … et la dégustation par celle qui tient la plume mais aussi les baguettes (et arrive à donner l’eau à la bouche du lecteur en quelques mots bien choisis !). Le lecteur peut voir le maître à l’œuvre, étape par étape (comme les pas à pas des livres de cuisine). Le ballet mains, couteau, poisson est impressionnant. Et le bouquet final est la présentation sur fond noir du sushi et du sashimi, des œuvres d’art mises en scène comme des sculptures ou des mannequins !
Les poissons sont parfois connus (thon, maquereau, et même crevette et palourde), parfois étrange comme le miru-gaï, un bivalve laid mais délicieux.
Après ce tour des poissons et de leur préparation par ce grand maître, le lecteur découvre la cuisine kaïseki à la table des saisons de Shigeru Tago. Des plats se succèdent comme dans un défilé de mode, dix plats de poisson ici, en soupe, crus, grillés, en ragoût, en entremets, friture ou vinaigré. Des petits bijoux colorés, ciselés pour un poisson habillé, accompagné, sublimé ! Et le lecteur pourra même reproduire ces plats grâce aux recettes fournies en fin d’ouvrage.
Vient ensuite le poisson qui fait peur, le fugu. Sous le couteau de Takeshi Ôhira, il devient une superbe fleur de l’hiver dont les pétales s’épanouissent sur une belle assiette d’un bleu très clair. La découpe est là encore photographiée étape par étape, avec la présentation des parties venimeuses qui glacent le sang du lecteur rien qu’en les regardant.
Enfin, le chef Masao Karasuyama livre des recettes de wa-shoku (cuisine traditionnelle japonaise) mais utilisant des produits que chacun pourra trouver facilement en France : bar, daurade, maquereau, encornet, chinchard, thon, cabillaud, saumon, sardine, carrelet et vernis. Un cabillaud grillé au miso, un bouillon de thon et poireau ou un kara-agé de carrelet … et même des peaux de saumon grillées. De beaux plats à préparer pour surprendre vos convives !
Un livre pour faire le tour du sujet poisson : technique, esthétique, gourmand, amoureux !
Plus d’informations sur le site de l’éditeur.
Maintenant, vous n’avez plus qu’à vous plonger dans ce livre et à lire l’interview ci-dessous pour tout savoir sur l’art du poisson à la japonaise !
Chihiro Masui et l’art japonais du poisson
Journal du Japon : Comment est née l’idée de ce livre il y a plus de 10 ans maintenant ?
Chihiro MASUI : Deux choses… je voyais sortir des publications (presse, livres) sur le sushi qui racontaient un peu n’importe quoi.
Et surtout : quand Mr Mizutani est venu à Paris… (l’histoire est dans le livre). Cela a été une révélation pour moi et je me suis rendue compte que j’ignorais tout du travail sur le poisson, alors que je pensais le connaitre.
Le chef Kaiseki m’a été recommandé par une amie au Japon qui est pour moi la meilleure référence en matière de gastronomie. Le chef fugu aussi, je crois. Quant au chef Karasuyama du Benkay à Paris, je le connais depuis plus de 30 ans.
Le sushi a beaucoup changé en dix ans… Ce n’est pas directement lié à Tsukiji et au nouveau marché de Toyosu, mais je pense que tout cela est une histoire d’époque. Comme les Halles et Rungis à Paris. Il y a eu des changements dans la profession, mais aussi sur la géographie de Paris. Pour Tokyo, c’est pareil. C’est le passage du temps…
Cela fait 35 ans que nous travaillons ensemble mais le shooting de Mr MIZUTANI a été le seul où il m’a dit qu’il avait beaucoup appris.
Journal du Japon remercie Chihiro Masui pour sa disponibilité. N’hésitez pas à aller faire un tour sur son foodblog gourmand et à découvrir les nombreux superbes ouvrages qu’elle a écrits !
Photos et UNE ©Richard Haughton